Jusqu’au bout avec Arnaud Faugas

Quel est ton parcours ?

Après le baccalauréat, j’ai étudié le droit à la faculté de Bordeaux. N’y comprenant rien, je suis parti retrouver un ami qui habitait Paris. En garant mon solex, j’ai découvert le cours Florent où j’ai passé un an, élève discret découvrant les sentiments et la mise en danger.

L’année suivante, occupé à m’enivrer des charmes de la grande ville, vraiment pas grand chose.

Puis je suis envoyé à Londres pour travailler dans le négoce de vins : essai tenté plusieurs fois, chaque fois sans succès, ce qui m’a fait finalement décider que je n’étais pas fait pour ce que je croyais être naturellement conduit à faire.

Alors j’ai acheté un billet pour les Etats-Unis, rêve d’aventure et de grand pays, qui deviendra ma seconde culture de référence : là, je vivrais de voyages et de liberté, avec autour de moi un monde tout nouveau, que j’ai vécu comme une seconde adolescence, cette fois ci délibérément insouciante.

Puis, après quelques années, retour à Bordeaux ; cette lente maturation, au grès des flots, enfin prêt à être décanté.

Tu es dessinateur ou peintre, je n’ai jamais su où tu situais la frontière ?

Je suis un dessinateur qui met des couleurs. Un peintre crée de la matière, joue avec les épaisseurs et crée une image qui est aussi un objet plein. Mes illustrations, on peut avoir plaisir à les tenir en main à la manière d’un manuscrit, ces ratures, ces accroches sur le papier sont sensibles et la vivacité du geste peut plaire.

Ma technique est très limitée et je ne m’y intéresse pas, tout ça tient dans la poche, crayon, quelques couleurs, une plume : laisser le moins l’espace possible entre l’idée et la réalisation sur le papier.

Qu’est-ce qui t’a décidé à devenir peintre ? As-tu des maîtres en la matière ?

Je me demande ce qui m’a fait acheter dans ce bar-tabac de Caudéran, en 1992, un cahier de dessin, une plume et une bouteille d’encre. Et avec une petite palette de couleurs pour enfants, faire mes premiers dessins. Et, très vite, première exposition, premier succès.

Et voilà ! je n’avais jamais presque rien dessiné et ce soir les murs en sont recouverts.

Acheter chez le marchand de couleurs, de vraies feuilles de dessin est resté aussi un souvenir.

J’adore la peinture : les images me parlent, je vois tout en images. J’aimais Steinberg.

La rencontre avec Jacques Sargos m’a initiée à la peinture ancienne, fait reconnaître le talent dans des genre variés, la sincérité des engagements artistiques, l’audace comparée au conventionnel, la vraie invention, l’humour.

Que souhaites-tu nous dire par la peinture ? As-tu un message particulier ?

Message : être libre, être sans peur. Vivre légèrement. De loin, c’est joli, alors on peut s’approcher, et puis de près, si ça plait toujours, on peut s’amuser des détails, le plaisir de la découverte, se les approprier, reconnaître.

Je rêve d’associer l’intime avec le «tout autour», la dune est sensuelle comme un corps, les paysages sont paresseux comme mal éveillés, ou bien dans un petit coin, en bas au milieu, il y a des amoureux qui s’embrassent, une petite fille qui rêve.

Le thème de Bordeaux est récurrent, pourquoi toujours travailler sur le thème de Bordeaux ? N’en as-tu pas fini ?

J’ai dans la tête un Bordeaux de comédie musicale, où tout danse et virevolte, même les façades ont l’air de décors de théâtre, tout est démontable, mais on le garde comme ça parce que c’est fun. Et puis personne d’autre ne l’a jamais représenté ainsi, il faut alors bien que ce soit moi qui le fasse. Il est probablement indigne aujourd’hui de représenter le lieu où l’on vit de cette manière légère et heureuse, ça n’est pas moderne, ça n’est pas sérieux, certainement pas contemporain. J’aime beaucoup les gens que ma peinture me fait rencontrer. Ils sourient.


Les grands formats arrivent maintenant, pourquoi tant de temps ?

On peut vivre sans faire de grands formats, on peut vivre sans acheter des tableaux de telles dimensions pour les accrocher chez soi. Mais ils sont amusants, par leur taille, on y vit plus intensément, c’est plus qu’une image qui vous fait un clin d’œil en passant : les grands formats ont une façon de vous envelopper très agréable et assez irrésistible.

Tu préfères les travaux de commande ou la création libre ?

La commande, c’est génial. Je t’offre mon sujet, offre moi ta vision. Je réponds toujours aux demandes. La création libre, c’est génial, c’est tous les jours et c’est pour tout le monde pareil, sans création, on est pas tout à fait vivant, tout est là autour de nous, à saisir…

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